Avant-Propos
Prologue
1. Méditation
2. Ciel
3. Abri
4. Ombre
5. Behind
2. Ciel
"Retourne dans ton pays, sale gaijin*."



       D'un geste de la main, elle poussa ses cheveux ébène sous sa capuche qu'elle ajustait sur sa tête. De la pluie commençait à remplacer la douce bruine. Le pas de Horo s'accéléra suite à ce regain de motivation; elle projetait de rejoindre cette prochaine ville le plus rapidement possible, ne voulant pas se prendre des rafales de vent et de pluie, par paquets, en plein dans la figure.

       La route se prolongeait en une pente, puis coupait à travers un petit village, à peine éclairé par quelques lampadaires éparpillés ça et là. Horo pressa le pas. Elle avait déjà beaucoup marché, mais elle n'imaginait arriver de si tôt.Trois kilomètres, finalement, c'était vite fait.

        Elle sprinta sur les derniers mètres, son sac à dos se balançant bruyamment contre ses épaules renforcée par des muscles travaillés. La boxe était un des hobbies de l'adolescente, même si elle avait dû arrêter à la fin de sa précédente année scolaire pour se concentrer sur ses cours.

       Elle n'avait pourtant aucune difficulté au lycée; elle se rangeait parmi les élèves moyens. Elle haïssait d'ailleurs aussi ses parents pour cela; l'avoir forcé à stopper son activité sportive favorite: son défouloir. Pour quelque chose dont elle n'avait pas besoin au final.
Frapper des sacs de sables lui permettait de tout sortir et se canaliser plus facilement à la maison ainsi qu'en cours. Mais depuis qu'elle avait dû renoncer à cette possibilité là, elle constatait que ses émotions prenaient de plus en plus souvent le dessus sur le reste.

        C'était à cause de cela qu'elle avait déserté il y a quelques heures: ils étaient allés trop loin.

       Son premier réflexe lorsqu'elle arriva enfin aux portes du villages, fut de s'écrouler contre le mur le plus proche. Horo releva la tête vers la nuit étoilée, comme pour remercier le Ciel alors qu'elle n'était même pas croyante.

        Sa respiration était sifflante, mais masquée par la pluie devenue un peu plus violente. Il se passa bien dix minutes avant qu'elle ne décide de se relever, à la recherche désespérée d'une auberge ou quelque chose de chaleureux qui pourrait l'accueillir pour la nuit.

        Elle traversa le village de part et d'autres jusqu'à arriver aux pieds de grands escaliers. Heureusement, elle n'eût pas besoin de monter pour constater qu'une église surplombait le village.
Juste à côté, quelques lumières de néons oranges attirèrent son attention. Comme un papillon de nuit, elle se laissa guider par la curiosité.

          Horo arriva dans une petite auberge à l'ambiance tamisée. L'endroit semblait nettement plus aseptisé que l'hôpital qui se trouvait à quelques kilomètres au Sud de son village natal. Même si quelques éléments rustiques et familiers à l'adolescente se trouvaient dans les coins.

          Le comptoir, par exemple, était fait d'un magnifique bois de chêne, ressortant parfaitement bien grâce à ce mur orange - sûrement blanc à la base mais coloré par les néons présents à l'entrée. En face de l'entrée se trouvait une table incrustée dans un renfoncement, deux banquettes l'entourant de chaque côtés. Sur la droite de ce petit renfoncement, elle remarqua une porte: sûrement celle qui menait à la cantine.
Le mur d'en face donnait aussi accès à des escaliers, faits du même bois que le comptoir à côté de l'entrée. Ils montaient, sur cinq marches environ, puis allaient vers la droite jusqu'à l'étage supérieur.

          Une vieille dame descendit promptement de ceux-ci, puis vint à la rencontre de Horo lorsqu'elle poussa la porte. Elle avait l'air bienveillante; un rayon de soleil en cette nuit pluvieuse.

        Et heureusement, les néons oranges camouflaient avec perfection ce bleu qu'elle avait sur la joue, à peine caché par ses cheveux.

"Bonjour mademoiselle ! Il est tard, que faites-vous dehors ? Rentrez rentrez !"

          Sans qu'elle ne puisse en placer une, la vieille dame la tira à l'intérieur; d'une poigne si douce qu'Horo ne résista pas. Ses mains tièdes rapportèrent, à la jeune femme, la chaleur qu'elle demandait tant. Le radiateur dans le coin devint directement son meilleur ami.

"Vous avez l'air gelée ! Je vais vous servir un petit thé. Vous prenez à quoi ? Vanille, fruits rouges, myrtille ?

   — Merci madame mais ça ira... marmonna la lycéenne.

   — Myrtille ? D'accord je vous sers ça, la coupa-t-elle.

   — Mais..."

         Elle se résigna en voyant que l'hôtesse ne voulait presque pas la laisser parler. D'un mouvement, elle retira son sac d'une épaule, puis le balança sur une banquette qui se trouvait non loin de là.
Cette partie du bâtiment ressemblait à une cantine, donc elle supposa qu'elle pouvait s'y asseoir et boire ce thé qu'elle n'avait pas demandé.

      Quelques minutes d'attente plus tard, la dame revint, deux tasses à la main. C'est à ce moment là que Horo comprit qu'elle n'irait pas dormir tout de suite.

"Donc, que fais-tu dehors par ce temps ? Tu es aussi crasseuse que ma voiture !

   — Je suis partie du domicile familiale, dit Horo avec honnêteté.

   — Oh... hum d'accord. Je ne te demande pas pourquoi, c'est confidentiel. Mais... dis moi quel âge tu as ?

   — Dix-huit ans, mentit la fuyarde.

   — Je vois je vois."

        Sans demander de papiers d'identité ou autre, l'hôtesse se contenta de boire une gorgée de son thé à la myrtille et de regarder dans le vide. Horo en fit de même, se concentrant au mieux pour ne pas grimacer; elle n'aimait pas trop la myrtille. Encore moins le thé.

"Je te laisse passer une nuit gratuitement ici, mais je veux que tu sois partie dès l'aube. D'accord ?"

         Prise au dépourvu; surprise de cette soudaine offre alléchante, Horo se contenta d'acquiescer de la tête, ses yeux bleus saphir écarquillés en direction de la vieille dame.
Cette église lui donnait-elle une bénédiction d'avoir posé ses pieds au village ?

"M-Merci beaucoup madame, vous me sauvez !

   — Pas de quoi."

        Elle esquissa un léger sourire, un sourire remplis de bienveillance.

"Aller, fini ton thé et je t'accompagnerai vers ta chambre pour la nuit."



      La chambre avait à peu près le même "thème" que le rez-de-chaussée. Le lit était fait de bois, un bois assombri par les ténèbres de la nuit. Les murs blancs contenaient une ligne unique, creusée et plus foncée que le reste, qui parcourait l'entièreté de la pièce. Horo supposa que cela correspondait au même genre de néons qui se trouvaient à l'accueil.

        La fuyarde lança son sac sur une des chaises devant le bureau (collé au mur, devant la fenêtre), habilla le dos de la chaise de sa veste noir totalement trempée, et enfin là, se laissa tomber sur le sommier.

        Les draps étaient si doux qu'ils eurent raison de la jeune femme. Ses muscles lâchèrent totalement lorsque son corps fut avalé par la couverture, lorsqu'elle tomba dans les bras de Morphée. Le coquelicot, lui, vint s'écraser sur le matelas, vide de vie.

      Elle l'avait oublié... tout comme son réveil.

A suivre...

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*GAIJIN (外人):      Mot péjoratif pour désigner les étrangers au Japon.
© PEOPLE,
книга «RUNAWAYᵐ.ʸᵍ».
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